Green IT n’est pas la nouvelle marque de thé bio à la mode
Le 21 janvier s’est déroulé Touraine Tech, une journée de conférences à Polytech Tours. Une quinzaine des collaborateurs de Cat-Amania s’y sont rendus. C’est le cas de Julien Busset, qui a notamment assisté à une conférence sur le bilan carbone du secteur IT. Voici les enseignements qu’il en tire.
Le constat
L’ouverture du Touraine Tech #22 s’est faite sur un sujet qui nous touche déjà aujourd’hui, et nous touchera certainement encore plus demain : nous atteignons les limites de notre planète. Camille Justeau-Morellet nous a présenté un tableau alarmiste, mais aussi réaliste, des conséquences du franchissement de ces limites. L’eau, les énergies fossiles, certains matériaux sont des ressources finies, et pourtant consommées comme si elles étaient infinies. La première conséquence pour les technologies de l’information (IT), c’est qu’un jour (pas si lointain), on n’aura peut-être plus de quoi fabriquer nos ordinateurs et les faire fonctionner. Ces technologies semblent pourtant être devenues indispensables tant dans le développement économique de notre pays que dans notre quotidien. La deuxième conséquence englobe beaucoup d’autres domaines : c’est le dérèglement climatique dû au réchauffement global de l’atmosphère. Avec quelques degrés de plus en moyenne, nos belles contrées pourraient devenir très rapidement des déserts ou des nids à cyclones.
Dans ce contexte, l’IT n’est pas neutre
Elle consomme de ces ressources limitées, et de plus en plus. Camille a voulu nous sensibiliser sur ce point dont dépend, selon elle, notre avenir commun et individuel : la Tech, ce n’est pas forcément la High-Tech, ça peut (et selon elle ça devrait !) être la Low-Tech, sobre en matériaux et en énergie. « Et les énergies renouvelables ? », me direz-vous. J’ai cru comprendre que Camille ne croit pas que l’on puisse remplacer la production énergétique mondiale par des moulins à vent, même très perfectionnés. Le principe est donc simple : limiter la consommation des ressources limitées et la production de gaz à effet de serre (GES).
Et en pratique ?
C’est une autre paire de manche… On trouvera sur un site présenté par Camille, le wiki Low-Tech, au milieu des nombreux tutos sur la fabrication maison de produits détergents et de lombricomposteurs, un petit tuto qui présente comment fabriquer un ordinateur pas cher, 30€, et qui consomme peu… Du moins dès que la pénurie de Raspberry Pi sera finie. On aura aussi assisté, lors du Touraine Tech, à une présentation par Jérémie Drouet de mesures de puissance consommée par un serveur web réalisées pour comparer l’impact carbone de l’utilisation de tel ou tel langage de programmation pour une appli web, au build et par requête. La démarche est artisanale et manque encore d’analyse des résultats, mais Jérémie a eu le mérite de le faire. Vous l’aurez compris, il y a encore du pain sur la planche.
Certains s’y mettent déjà
Et ils sont plus nombreux que nos deux intervenants du Touraine Tech. Les initiés auront d’ailleurs reconnu dans la présentation de Camille les arguments souvent répétés par Jean-Marc Jancovici. On pourra d’ailleurs se référer au Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) initié par le Shift Project, et en particulier à sa partie sur l’IT, pour obtenir l’état des lieux sans doute le plus avancé sur la question. On y retrouve les chiffres de la contribution de l’IT aux émissions de GES, ainsi que les pistes proposées pour réduire ces émissions dans le but de respecter les accords de Paris sur le climat. On y retrouve aussi le scepticisme, appuyé par des arguments solides, concernant la possibilité de produire une partie significative l’énergie que nous consommons aujourd’hui par des moyens renouvelables. Les protagonistes de cette démarche peinent encore à dépasser la déjà courageuse et ambitieuse propagation de l’idéologie sous-jacente… Alors avis aux bonnes volontés pour mettre la main à la pâte !
L’IT aussi se met au vert, mais ça ne se fait pas tout seul !
La Green IT ne peut pas être l’utilisation de toujours plus de périphériques énergivores pour surveiller la température de son lombricomposteur : elle doit surtout être la prise en compte de la finitude des réserves de ressources qui permettent la fabrication de matériel, et la limitation de la production d’énergie pour les faire fonctionner dans un contexte où une décroissance trop rapide sèmerait très probablement le chaos. Là où l’IT se révèle être un atout pour de nombreuses entreprises, la Green IT et la Low-Tech cachent derrière leurs airs d’empêcheurs de tourner en rond un véritable atout pour la survie des services informatisés dans un monde qui subit de plus en plus inexorablement les limites imposées par la nature. Peut-être pourrions-nous sensibiliser nos clients à la pertinence de faire tourner un serveur de plus pour une fonctionnalité peut-être pas si utile ? Comme on dit, l’énergie la plus verte est celle que l’on ne consomme pas.